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Ne serait-ce qu'en compulsant les nombreux périodiques traitant spécifiquement de la carpe et de sa pêche, le lecteur prend conscience que la pêche de compétition occupe un large créneau dans notre petit monde.
Trop large ? ? ?
Histoire vraie
En septembre 1997, je me trouve sur un beau plan d'eau français en compagnie de quatre de mes meilleurs amis pour une session d'une semaine.
L'un d'entre eux est un auvergnat jovial, bon teint ; bref un carpiste gaulois comme on les aime et de surcroît honorablement connu dans le milieu.
Durant ces 7 jours, de nombreux carpistes français viennent le rejoindre avec lesquels nous sympathisons rapidement en partageant notre passion.
Entre les captures, l'évocation des souvenirs de carpes énormes, les montages, les techniques et le matériel animent les conversations jusque parfois fort tard.
Quand nous quittons les lieux, nous sommes tous malheureux de nous séparer et espérons pouvoir nous retrouver un jour au bord de l'eau.
Août 1998, une grande compétition en France.
Je " dépanne " un des amis avec lequel j'étais en session l'an passé et mon " pote " auvergnat pêche avec un autre de mes amis.
Sans pourtant nous être concertés, nous retrouvons la plupart des carpistes avec lesquels nous avions sympathisé lors du séjour de septembre 1997.
Le repas d'ouverture est animé, c'est un peu comme si nous nous étions quitté la veille ; nous faisons ensuite le tour des plans d'eau et les supputations vont bon train sur les meilleurs emplacements.
Mais dès l'annonce du tirage au sort, je suis surpris de voir le visage des participants changer et leur nervosité augmenter.
Le choix des places donne lieu à des scènes qui me stupéfient.
La plupart avance une main presque tremblante vers le tambour, le visage tendu et la révélation du numéro de poste conduit à la liesse pour quelques uns, au désespoir pour quelques autres, au scepticisme pour beaucoup ; et il ne s'agit là que du premier car vu l'ampleur de la compétition il y aura trois tirages, le stress n'allant qu'en augmentant au fur et à mesure de ceux-ci (mon ami et capitaine de l'équipe n'osera même pas se rendre au dernier).
De plus, bien que l'organisation pratique de l'événement soit en tout points irréprochable, des dissensions et querelles émaillent l'entièreté de l'enduro (en augmentant plus on se rapproche de la fin) Bien que les commissaires fassent preuve de beaucoup de diplomatie, des blâmes sont distribués.
Mais le plus surprenant pour moi fut qu'une de ces " rixes " atteigne mes amis.
Lors du dernier tirage au sort, notre équipe belgo-auvergnate reçoit le poste où la majorité des poissons a été capturée lors de la première manche, l'emplacement à sa gauche est occupé par une équipe composée par des personnes que nous avions rencontré lors de notre fameux séjour en 1997.
Bien que toujours " verts ", mes amis ne sont plus de première jeunesse et, s'ils sont toujours capables d'effectuer des lancers longs et précis, l'amorçage au " cobra " à grande distance (plus de 100 mètres) et en grande quantité leur pose un problème.
Comme je dispose d'un canon à bouillettes à pompe manuelle, je leur propose d'en profiter.
Comme le maniement de la pompe est lui aussi assez fatiguant, je leur propose mes services, ils sont trop heureux d'accepter.
Pendant près de trente minutes, je pompe et mes amis procèdent aux réglages d'inclinaison pour amorcer au mieux ; bien que quelques bouillettes soient éparpillées par le vent l'opération est réussie.
Le lendemain matin, je viens aux nouvelles et quelle n'est pas ma surprise d'apprendre que mes amis ont fait l'objet d'une intervention d'un commissaire leur reprochant une action de pêche effectuée par un tiers (le pompage) et un amorçage trop large (les quelques bouillettes emportées par la brise).
J'en reste abasourdi, mais je ne suis pas au bout de mes surprises.
En fait la plainte émane de l'équipe postée à gauche de mes camarades, nos " amis " de 1997.
Là, je suis carrément scié ! ! !
Flash back
On l'a sans doute oublié, mais les premiers enduros organisés suite a l'avènement du carpisme en Europe le furent dans un but précis : promouvoir notre mode de pêche en permettant aux carpistes de se rencontrer sur un même plan d'eau et faire découvrir au grand public une technique qui restait confidentielle.
C'était la belle époque ! ! !
Celle de la convivialité, celle où le résultat n'avait aucune importance pourvu qu'on ai rencontré des copains, tenté de capturer quelques poissons et surtout pu parler du sujet le plus captivant pour nous tous : la carpe.
Ils connurent immédiatement un succès important, non seulement pour ce qui précède, mais aussi parce qu'ils permettaient de s'adonner à la pêche de nuit à une époque où elle était autorisée encore plus rarement qu'aujourd'hui.
Malheureusement, nous vivons une époque où l'on devient rapidement tributaire de son succès.
Fin des années 80, début des années 90, la vague carpiste britannique déferle sur le continent entraînant dans son sillage des milliers de nouveaux adeptes ; le marché de la pêche moderne de la carpe est en plein " boum ".
Voyant l'incroyable popularité que développe ce style de pêche en très peu de temps, les fabricants d'articles de pêche et les détaillants ne tardent pas à s'y intéresser.
Comme toujours quand un marché se développe, les fournisseurs deviennent plus nombreux ; plus ils sont nombreux, plus la concurrence grandit générant avec elle des effets positifs pour les clients que nous sommes par la remise en question continuelle d'un fournisseur obligé de proposer des produits de plus en plus performants (en prix et en qualité) au fur et à mesure que ses rivaux en font de même.
Leur meilleure vitrine étant celle où le plus de clients se rassemblent, en moins de temps qu'il ne faut pour l'écrire, les enduros sont dotés de prix mirobolants et des dizaines d'équipes de carpistes sont rapidement sponsorisées ; c'est la dérive ! ! !
Le rendement publicitaire et commercial et la course à la victoire prennent le pas sur la démarche initiale des puristes transformant le carpiste en " homme sandwich ", son poste de pêche en " espace publicitaire " et le plan d'eau en " Parc Astrid " un jour d'Anderlecht-Standard (en attendant vraisemblablement une carpe verte et blanche " Sensas ", il y a bien une vache mauve et blanche " Milka "(publicité gratuite ) car les sponsors ne sont pas des mécènes ; ils veulent bien débourser mais demandent un retour au moins proportionnel à leur mise et tant pis pour les conséquences.
Et ces conséquences sont notamment celles décrites plus haut qui transforment un pêcheur serein en employé stressé et les amis de naguère en ennemis pour toujours ! ! !
Il ne faut jamais perdre de vue que la compétition, dans quelque discipline que ce soit, se base sur une seule démarche : LA RIVALITE ! !
et plus grande elle est, plus larges sont les débordements.
L'enjeu en vaut-il la chandelle ?
Commercialement parlant, il est certain que l'intérêt des firmes productrices de matériel halieutique est de voir la compétition continuer à se développer puisqu'elle représente son meilleur support médiatique et publicitaire.
De même, les bénéfices réalisés par les promoteurs de ces manifestations poussent dans la même direction.
Par contre pour la promotion de la pêche moderne de la carpe, pour son éthique, et pour ses adeptes ...
Un autre exemple :
A l'issue de la compétition mentionnée au début, c'est un belge qui l'emporte et je le félicite sincèrement.
Or donc, tout auréolé de sa gloire nouvelle, voilà notre homme qui s'inscrit dans un enduro bien modeste en regard de l'ampleur du précédent (sponsor oblige).
Certain de sa force, il pêche avec la même ardeur que précédemment et pourtant ... il attend toujours sa première touche ! ! !
La morale de cette histoire ?
Sans mettre en doute la qualité des pêcheurs, il est un fait qu'en ce qui concerne notre si spécifique mode de pêche, la chance est pour beaucoup (sûrement trop) dans le résultat du vainqueur (même les " enduristes " les plus fervents le reconnaissent) et c'est bien normal !
Compte tenu du matériel et de ses performances, du nombre souvent excessif de participants et d'un amorçage rarement " léger ", le comportement des carpes évolue souvent de manière imprévisible ou pour le moins anachronique par rapport aux conditions " normales " de pêche.
L'excès en tout est un défaut ; lors d'un concours, il amène nos cyprins à adopter une attitude de " réfugié " dont la méfiance ne fait que grandir au fur et à mesure du temps qui passe.
Tous les enduros auxquels j'ai assisté ont été gagnés par celui qui a pris le plus de poissons au début du concours (et plus il est long plus cela s'est vérifié).
Le vainqueur est souvent un bon pêcheur mais sa victoire lui permet-elle d'affirmer qu'il est meilleur que les vaincus ou de simplement reconnaître qu'il fut le plus veinard de tous ?
De plus, l'enduro, de par sa conception, ne donne qu'une image tronquée au grand public de ce qu'est réellement notre style de pêche.
Son aspect extérieur s'apparente plus à un concours de pêche au coup traditionnel, trop limitatif qu'il est dans l'espace et les techniques qu'il autorise.
Les nombreux bivys alignés sur la berge me font plus penser à une zone d'H.L.M. banlieusards qu'à une " cabane au Canada " et les rods pod avec leurs lignes tendues en enfilade à raison de quatre tous les 20 ou 30 mètres parfois sur plusieurs kilomètres à une toile d'araignée dans laquelle la carpe ne se prend que rarement mais qui effraye considérablement les adeptes d'autres styles de pêche qui, ce voyant, en viennent à penser qu'ils ne disposeront plus de l'espace nécessaire à leurs activités dès que des carpistes se trouveront sur le même site qu'eux.
Est-ce cela l'idée que le carpiste se fait de sa discipline et surtout celle qu'il veut véhiculer auprès des profanes ?
Je ne le pense pas.
D'ailleurs, la raison majeure du combat de notre groupement en ce qui concerne l'obtention de la pêche de nuit sur l'ensemble du domaine public n'est elle pas d'éviter la trop forte concentration des pêcheurs que nous connaissons actuellement sur des secteurs trop exigus.
En conclusion, bien que je comprenne son existence et respecte ses adeptes, la pêche de compétition de la carpe ne sera jamais ma tasse de thé.
La compétition au service de ma passion ? OK.
Ma passion au service des entreprises ? Jamais ! ! !
Réaction de Pierre CHASTRE, président du Cercle des Carpistes Disparus :
Je ne peux qu'être d'accord avec ce qui est dit plus haut puisque j'ai connu (mais pas en tant que participant) les enduros de JL BUNEL et les premiers 72 h d'Azerable organisés en Creuse. Je suis voisin de ce département et j'allais sur ces manifestations pour rencontrer du monde. Lorsque je compare les moments que j'ai passé à cette époque et ce qu'est devenue la compétition aujourd'hui je suis profondément déçu, à tel point qu'il y a longtemps que je ne songe même plus à me rendre sur une de ces manifestations. Le symbole de ma déception est une scène qui s'est produite à Montluçon lors du forum 2000. Deux personnes (que je n'appellerais pas des carpistes) se pavanaient, avec une médaille autour du coup et un tee-shirt au nom d'une marque, et se présentaient au public comme les champions de France. C'est effectivement ce qu'ils étaient mais même si c'était à la demande de leur sponsor, ces gens là n'ont-il que si peu de fierté et d'amour propre pour être aussi vaniteux ?
Je me pose la question suivante : En matière de pêche la compétition est-elle utile ? Franchement je n'ai pas la réponse mais j'observe que, par exemple, en athlétisme celui qui remporte la victoire il ne la doit qu'à sa tête, ses muscles, son travail et son courage. En revanche que représente la victoire à la coupe du monde ou à toute autre compétition de pêche ? Pour moi rien de plus que de la chance au tirage. Tout pêcheur ayant un tant soit peu d'expérience et d'intelligence peut se retrouver à la place d'un champion de France. Encore faut-il savoir pourquoi vouloir devenir champion de France de pêche de la carpe !!!!
Decembre 2000
Réaction de Seb
Salut moi c'est seb.
J'aime pas trop la pêche de competition, on sort en quelque sorte d'une optique de tradition : de plus , la pêche devient un interêt économique ( championnat d'île de france 99), gagner pour le sponsor et l'argent je trouve ca nul !!!!!
La pêche doit rester vraie, faîte de passion et d'eau pure.
Quoi de plus beau que de se faire plaisir de pêcher face à un poisson et pas contre un autre pêcheur? C'est la même passion qui nous amène à arpenter les berges non ? Alors préservons la chance d'aimer encore s'y retrouver .
Serieux coup de geule aux fanatiques de victoires qui usent de tous les moyens pour gagner où plutôt pour faire perdre à un "concours".
Sebastien (un commissaire lors de "compétition").
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